Chants of Sennaar veut frapper un grand coup avec son identité visuelle forte et son concept qui l’est tout autant. C’est plus qu’une réussite, c’est une pépite.
Après avoir publié Varion, leur tout premier jeu en 2018, les Français de Rundisc sont de retour avec Chants of Sennaar. Cette fois, le studio veut briller avec un puzzle game assez détonnant aussi bien sur la forme que sur le fond. Mais on le sait, se démarquer n’est pas toujours synonyme de réussite. Il fallait donc attendre de poser les mains sur Chants of Sennaar pour savoir si le pari était réussi. On vous le dit tout de suite, c’est un grand oui, alors comptez le parmi les sorties immanquables de septembre.
Une idée surprenante qui séduit dès le départ
Au début de l’aventure, le mystérieux personnage encapuchonné que l’on contrôle se réveille au plus bas de la tour de Babel. Plusieurs peuples vivent dans ce lieu mythique de la culture biblique, mais sans interagir les uns avec les autres. Chacun d’entre eux occupe un étage différent de l’édifice et possède son propre dialecte codé. Sauf que notre personnage, lui, n’est pas comme les autres. Il veut tenter de se mêler aux différentes ethnies, déchiffrer chaque langage et enfin tous les réunir. Ce cadre plutôt original est surtout là pour justifier le concept de décryptage autour duquel tourne Chants of Sennaar.
Chaque fois que vous découvrez un nouveau glyphe (qui correspond à un mot) en discutant avec quelqu’un ou encore en lisant un document, votre personnage va le noter dans son carnet. À ce moment-là, en fonction du contexte dans lequel le glyphe a été utilisé, vous allez pouvoir tenter de déduire ce qu’il signifie en notant une suggestion grâce au clavier virtuel de la console. Concrètement, si vous voyez qu’à chaque début de phrase, les personnes qui vous entourent utilisent le même glyphe, il y a de grandes chances qu’il corresponde à “bonjour” dans notre langue, par exemple.
Une fois que vous avez découvert plusieurs glyphes se rapportant à un même thème, vient alors la phase d’élucidation, toujours dans le carnet. Notre héros dessine alors une petite scène dans son cahier et vous devez choisir le bon glyphe qui y correspond. Si vos suggestions sont justes, les mots associés aux glyphes sont alors révélés. C’est une phase essentielle pour réussir à résoudre les puzzles plus complexes qui permettent généralement de déverrouiller un accès pour aller plus loin dans la tour. En plus de vous aider pour les énigmes, le décryptage vous permettra aussi de mieux comprendre le scénario plutôt classique du jeu. L’univers de Chants of Sennaar a beaucoup de charme, mais l’histoire en elle-même, malgré son contexte historique fort, ne décolle pas véritablement.
Un jeu qui ne nous prend pas par la main
Si ce concept peut s’avérer déroutant sur le papier, le titre commence suffisamment en douceur avec des premiers symboles très faciles à déchiffrer. En revanche, il devient rapidement plus difficile de deviner le mot qui se cache derrière un signe, surtout que chaque dialecte possède ses propres subtilités grammaticales. Et quand le pluriel ou les négations entrent dans la danse, on peut se creuser la tête longtemps.
Dans le jeu, l’exploration fait aussi partie de l’expérience. Découvrir un dialogue annexe ou un mini-jeu peut aider à comprendre le sens d’un glyphe ou à compléter le cahier avec de nouveaux dessins. Par contre, cela implique forcément plus d’allers-retours et tout le monde n’aura pas forcément le courage de le faire, car la trame principale en demande déjà un peu trop à notre goût. En plus, les zones sont parfois très vastes et notre personnage ne brille pas vraiment par sa vitesse de déplacement.
Chants of Sennaar demande donc d’être très méthodique dans la façon de progresser pour ne pas accumuler les glyphes sans les traduire au risque de se retrouver perdu. C’est encore pire si vous ne prenez pas le temps de noter des suggestions quand vous en découvrez un nouveau, car vous ne vous rappellerez certainement plus dans quel contexte un symbole a été utilisé et là, les allers-retours deviennent inévitables.
Des énigmes complexes et originales
Par contre, ne vous attendez pas non plus à pouvoir résoudre les énigmes en un claquement de doigts simplement parce que vous avez traduit entièrement le dialecte d’une langue. Même une fois les glyphes décodés, les puzzles font aussi appel à votre matière grise. Ils sont généralement très subtils et Rundisc arrive constamment à nous surprendre d’ingéniosité. Aucune énigme n’est inspirée d’une autre et ça fait plaisir. D’ailleurs, à chaque fois qu’on en complète une, le sentiment de fierté est là, ce qui montre que le pari est réussi et que la difficulté est parfaitement dosée.
En cas de blocage, il existe une touche d’aide qui va mettre en évidence les éléments avec lesquels vous pouvez interagir dans une pièce, mais pas plus. Ça peut servir, car il y a quand même beaucoup d’objets à récupérer pour réussir à avancer, mais ça ne fera clairement pas tout. Si vous n’êtes pas un habitué des puzzle games, vous allez devoir persévérer et accepter de passer de (très) longues minutes sur un mécanisme.
Un émerveillement de tous les instants
En plus des énigmes, Chants of Sennaar propose aussi des phases d’infiltration assez rudimentaires dont on se serait bien passé. Elles n’apportent pas grand-chose à l’expérience et ce n’est pas dans ces moments-là que le jeu brille, clairement. Heureusement, le titre n’en compte que quelques-unes qui ne s’éternisent pas.
Ce qui fait forte impression dans Chants of Sennaar, c’est aussi sa direction artistique chatoyante en cel-shading. Le studio toulousain reconnaît clairement s’être inspiré des grands noms de la BD européenne comme Moebius et ça se sent. On a réellement l’impression d’être plongé dans une bande dessinée et on ne se lasse jamais de ce que nous proposent les différents niveaux de la tour de Babel, qui possèdent chacun une atmosphère unique. Bien sûr, les textures et les modèles des personnages sont peu détaillés, mais ce n’est vraiment pas un problème ici.
Par contre, sur le plan sonore, Chants of Sennaar s’en sort un peu moins bien. Les compositions qui accompagnent l’aventure sont très jolies, mais se font beaucoup trop rares. Alors oui, c’est toujours plus agréable d’être dans le calme lorsqu’on se casse la tête sur une énigme, mais le silence est vraiment trop présent, même pendant l’exploration.